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LA DANSE DE LA BENICHON

Les bénichons, c'est comme cela que l'on appelle ainsi les fêtes de village, époque de la réunion des parents et de la célébration des mariages. C'est un jour solennel, dont chacun profite, les vieillards à table, et la jeunesse sur le théâtre des danses publiques. On s'en occupe longtemps d'avance.

Les jeunes filles se concertent pour leur toilette; les garçons pour les préparatifs de la fête. Ils engagent les ménétriers, et se constituent dans les formes. Il y a un gouverneur de la jeunesse, avec deux conseillers et un trésorier, nommés pour un an. Au sortir des vêpres, la musique se fait entendre. Les garçons, parés du mouchoir et de la guirlande de fleurs qu'ils ont reçus de leurs belles, les attendent au passage; celles-ci peuvent à peine cacher l'ivresse de leur coeur sous la modestie de leur maintien. La danse s'ouvre, les vieillards rajeunissent par le souvenir du passé, l'enfance grandit dans l'avenir. Mêmes plaisirs le lendemain; puis arrive le surlendemain, où l'on trouve quelquefois mécompte dans ses affaires, faute d'avoir bien calculé.

 

"Il avint un jour que le comte de Gruyère rentrant en son castel trouva en dessous d'icelui grande liesse de jouvençaux et jouvencelles, dansant en koraule. Ledit comte, fort ami de ces sortes d'ébattemens, prit aussitôt la main de la plus gente de ces femelles et dansa tout ainsi qu'un autre. Sur quoi aucun ayant proposé comme par singularité dont puisse être gardé souvenance, d'aller toujours en dansant jusqu'au village prochain, pas n'y manquèrent, et de cettui endroit continua la koraule, et c'étoit chose merveilleuse de voir les gens des villages par où passèrent se joindre à cette joyeuse bande." Cette plaisante caravane qui fit plus de quatre lieues en dansant, fut désignée par le nom de grande coquille. 

 

(Course dans la Gruyère, ou description des moeurs et des sites les plus remarquables)

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