LA GRUYERE CULTIVEE
LA Gruyère est sans contredit, sous le rapport intellectuel, la partie la plus cultivée du canton de Fribourg, par là même qu'elle est celle où l'on a le plus de loisir. Ailleurs les saisons, en changeant ne font que varier les travaux. En hiver ils cessent ici presque entièrement, d'où il résulte que les hommes sont plus en contact les uns avec les autres. Ils causent ensemble, ils cherchent les nou- veau-venus de la Bourgogne et d'autres pays étrangers, et sont avides de récits propres à leur en faire connaître les lois et les habitudes. Ajoutez qu'à peu près tout le monde sait lire
et écrire, parce que depuis plus de deux siècles chaque village a son école. On lit les gazettes il n'y a pas de commune qui n'ait ses abonnés à celles de Lausanne, et souvent en très grand nombre. On en trouve même où de simples paysans reçoivent des feuilles étrangères. Lorsqu'elles sont ce qu'ils appellent intéressantes, ils se réunissent en foule pour en entendre la lecture. Ils commentent, ils discutent, quelquefois avec uneraison, une sagacité qu'on ne trouve pas toujours chez les personnes qui ont lu beaucoup de livres. Les gens du peuple en Angleterre passent pour avoir une grande finesse de tact politique. Je doute qu'ils en aient plus que les paysans de la Gruyère. Placés sous le régime municipal, accoutumés à débattre presque toutes les semaines leurs intérêts communs, ils contractent de bonne heure l'habitude des affaires et deviennent ainsi des hommes tout positifs.
(Course dans la Gruyère, ou description des moeurs et des sites les plus remarquables)
