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MIROIR, SYMBOLE DES SYMBOLES

Le miroir reflète indifféremment toutes choses et les images symboliques se reflètent donc en lui. Ainsi, il les contient toutes sans garder pourtant, à nos yeux, la moindre trace d'aucune. Le poète Guy Michaud voyait en lui le symbole même du symbolisme. Cet objet s'est prêté à toutes les spéculations.

L'allégorie du miroir a été utilisée en peinture en poésie, en métaphysique... Des romans noirs, des fictions, des films, des contes, des légendes, des superstitions, nombre de traités de théologie, de métaphysique, de philosophie le prennent pour thème. Beaucoup d'écrivains et d'artistes ont été hantés et le sont encore par ces images fugaces qui s'évanouissent à peine entrevues, comme la plupart des phénomènes à la surface de cette terre.

L'homme a projeté sur le miroir tous ses fantasmes d'horreur, tous ses rêves de sainteté. Le mental humain s'est exercé à la réflexion sur la réflexion... Certains ont imaginé un miroir qui n'inverse plus ce qu'il renvoie, d'autres des êtres qui ne soient plus objet de réflexion pour le miroir! Avec, chez tous, cette constatation que nous sommes miroirs les uns pour les autres.

L'au-delà du miroir a fasciné les imaginaires. Est-ce l'enfer, le royaume de la mort ou le royaume de féerie, un autre monde étrange où les lois de la pesanteur n'ont plus cours, le royaume de Dieu? Est-ce cette surface froide qui sépare Manifesté et Non-Manifesté?

Toute la création, miroir de Dieu, est-elle un fascinant jeu de miroirs aux alouettes qui séduit les âmes pour les enfermer dans un cycle incessant de réincarnations qui constitue une unité faite d'une pluralité d'existences? L'homme serait le miroir de Dieu? Le miroir n'est-il pas en fin de "conte" qu'un objet manifesté comme un autre ou nous ouvre-t-il plus que tout autre sur l'illusion des apparences?

 

(Le miroir, symbole des symboles, Robert Régor Mougeot)

 

 

 

La symbolique des miroirs est riche et variée : tour-à-tour passage, fenêtre, révélateur ou encore piège, le miroir est objet mythique et plus encore objet magique. Les contes en ont fait bon usage : de Blanche-Neige à Peau d'Ane en passant par La Belle et la Bête, le miroir avait bonne place. Chez la première, il était porteur de la Vérité. Pour les deux autres, il était fenêtre sur le monde extérieur, leur montrant ce à quoi elles n’avaient pas ou plus accès : l’insaisissable… Tout le monde se souviendra qu’il servit de passage dans le seconde volet dédié à la célèbre Alice. Un thème récurant dans bien des ouvrages et des œuvres comme dans Orphée de Jean Cocteau. Muni de gants magiques, Orphée interprété par Jean Marais avait le pouvoir de traverser les miroirs. Pour Alice comme pour Orphée, il était question de découvrir des mondes imaginaires imaginés où l’illusion n’a de rivale que la poésie de l’espace réflexif devenu espace “expérimentatif”.

Le miroir est aussi piège à oiseaux. C’est au milieu des volatiles qu’est née l’expression fort imagée du “miroir aux alouettes”. Ce qui était objet utile à la chasse s’est transformée en expression populaire. Un piège à “bécasses”, une attitude malveillante, un jeu de dupes : le miroir est trompeur à ses heures et par son jeu subtile de reflets, il incline à nous montrer ce qu’il veut bien nous livrer. La vérité est voisine du mensonge ! Comment être sûr alors que le miroir de la belle-mère de Blanche Neige ne s’amusait pas à lui révéler une Vérité… arrangeante (et de ce fait arrangée) ?

Enfin dans nombre de civilisations, on confère au miroir des pouvoirs magiques. La divination par les miroirs utilisaient en des époques reculées est encore d’actualité. La catoptromancie est réalisée avec l’aide d’une surface réfléchissante : un plan d’eau peut très bien faire l’affaire ! Quelques écritures, quelques reflets étrangement bien ou mal placés selon le point de vue et la Vérité peut être révélée, une vérité placée sous le signe de l’interprétation aussi déformée que peuvent l’être ces miroirs qui se veulent divertissants. Les rituels ne s’arrêtent pas à une “voyance sacrée”. Dans les traditions populaires, les jeunes filles célibataires désireuses de découvrir le visage de leur futur époux devaient se placer face à un miroir, bougie en main pendant les douze coups de minuit. Certains écrits disent que le procédé doit avoir lieu à la nuit d’Halloween, d’autres durant la dernière nuit de l’année. A l’Epiphanie, vous pourrez de la même façon vous découvrir à l’heure de votre mort… Il est certain que le miroir fascine autant qu’il réfléchit. Et c’est de cette fascination que le miroir tire tous ses pouvoirs.

Le miroir, objet-passage, porte vers des infinis ! Il laisse passer la lumière pour mieux la restituer dans ses images. On y passe des heures à se regarder tout au long d’une vie sans jamais les user. On y voit magie et poésie, temps qui passe et temps qui reste. Objet double du temps d’avant et du temps présent : vieilli et piqué par le temps, il prend sa revanche en réfléchissant nos traits vieillissants. Il se passe toujours quelque chose dans le cadre du miroir, en notre présence ou en notre absence. L’image est en mouvement même de la façon la plus imperceptible. Mais comment savoir sans regarder le miroir ? Et c’est peut-être là que se cache sa magie, dans l’insaisissable. Il contient un monde en symétrie axiale identique en tout point au nôtre sans jamais être vraiment le nôtre.

 

(“Je suis votre miroir”, Stéphanie Messal, http://reflexivites.hypotheses.org/52)

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