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LE PONT COUVERT

Pour rejoindre l'autre rive de la Sarine, la route bifurque après Saussivue et traverse la Sarine sur un pont rigide, sans poésie et sans beauté, un viaduc aux poutrelles de fer rouillées et rivées, datant de 1868. La carrière près du pont, qui fournit un calcaire jaunâtre, fut exploitée pour son érection. Ce viaduc long de 42 mètres, large de 4,50 m., qui franchit la rivière quelques mètres au- dessus des flots, coûta 40.000 fr. à cette époque qui nous valut ces constructions sans âme, banales, rigides, laides, mais utiles et assez solides, il faut en convenir.

Les attelages risquaient la traversée de la Sarine à gué quand les eaux étaient basses, sinon faisaient le tour par le pont de Grandvillard, ce qui doublait la distance pour se rendre à Bulle.

Combien je préfère l'ancien pont couvert et vêtu de bardeaux, à l'image des vieux chalets gruériens, avec ses poutres massives en chêne noueux, l'ancien pont situé en contre-bas, masqué derrière la butte d'Epagny, l'antique pont qui, conduisant au Châtelet, donnait accès jadis à Estavannens. Il porte le nom gracieux de « Pont-qui-branle", mais il n'a de branlant que le nom.

La tradition et l'histoire nous disent qu'il a été reconstruit plusieurs fois au cours des siècles, mais à des endroits qui ont varié.
Un premier passage, situé en aval de l'actuel, franchissait la rivière en face du hameau qui se nomme actuellement le Pont. C'était plutôt une passerelle reposant sur des chevalets ou palées. La construction légère, étroite et branlante, qui existait déjà en 1456, fut bien vite baptisée... Le tablier était fait de gros rondins. recouverts de gravier. En 1571 ce pont trembleur ou tremblant fut emporté par l'impétuosité des eaux de la Sarine, au cours d'une crue subite.

Il fallait rebâtir. Comme le pont de pierre, en dos d'âne, dit du Broch, le fut en 1580, on temporisa une trentaine d'années.

En 1610, un pont neuf qui prend le nom caractéristique du premier, enjambe à nouveau les eaux de la Sarine, mais en face du Châtelet. En 1643 on répare ses culées qui se désagrègent et en 1652 on le reconstruit. Il en est de même en 1692. Nouvelles réparations en 1736, en 1744, où la commune d'Estavannens demande à Leurs Excellences de «refaire et de maintenir comme du passé le pont sur la Sarine à côté de la ville de Gruyères )O. L'an d'après) cette dernière commune sollicitait de l'Etat les chênes nécessaires pour cette construction. En 1765, nouvelles suppliques. D'éphémère durée, un pont succède ainsi à l'autre.

La Révolution a passé... Les gouvernements aristocratiques ont sombré dans la tourmente. Le Directoire helvétique, également. Napoléon vient de donner avec son acte de médiation, un gouvernement nouveau à notre pays. Louis d'Affry est l'étoile qui brille au ciel helvétique comme aussi à Fribourg. C'est en 1803 que le Petit Conseil intime à la commune de Gruyères l'ordre de reconstruire un nouveau pont sur la Sarine, vulgairement appelé le « Pont-qui-branle", et de s'entendre avec la commune d'Estavannens.

L 'entente demandée fut lente à venir, puisque ce n'est qu'en 1806 que la construction eut lieu. 

 

Aujourd'hui, le pont fut restauré et ressemble à nouveau à l'ancien pont en bois et couvert de bardeaux, mis à part son socle qui date de la seconde guerre mondiale, mais il grince encore certaine nuit...

 

(Le Vieux Chalet, Clément Fontaine)

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