LE PRIEURE ET L'EGLISE
L’église de Broc était au Xe siècle le centre d’une très grande paroisse regroupant les villages de la rive droite de la Sarine de Lessoc à Villavolard et jusqu’à Belgarde et également la Roche qui préférait Broc à Pont-la-Ville. Au départ, il y avait une église paroissiale qui fut incendiée et c’est probablement à partir du XIe siècle que l’église du prieuré des Bénédictins de Lutry (on ne connait pas la date exact de la constructionn du prieuré mais c'est certainement à la fin du Xe siècle après l'érection de la paroisse) assura le service paroissial. Mais il n’existe aucun document. De plus, depuis le XVIIIe siècle l’église se décompose petit à petit et devient un véritable fardeau à entretenir pour le prieuré. L'église est démontée en 1880 juste après la construction de la nouvelle église. Le seul reste de l’église que l’on trouve encore aujourd’hui est le clocher érigé seulement en 1610, au bord de la Sarine.
En 1871, le Conseil communal demande au Conseil d'Etat l'autorisation de faire une coupe de bois pour subvenir aux frais de construc-tion d'une nouvelle église, au village. On ouvre deux carrières sur le territoire communal à proximité des ponts de la Jogne et de la Sarine. Pierres de grès, pierres à chaux: les Brocois ont tout à portée de main et leur église sera faite des matériaux du terroir. C'est que les paroissiens éprouvent la nécessité d'entendre la messe dans un temple correspondant mieux à la nouvelle sensibilité catholique. Il appelle le culte des grands saints médiévaux, suscite la rénovation du thomisme, fait renaître l'architecture gothique.
Dans ce renouveau de l'architecture sacrée propre à la seconde moitié du XIXe siècle, l'église de Broc marque "un jalon important: le passage du néo-gothique au néo-roman"
L'architecte Adolphe Fraisse revient à un vaisseau unique élargi en transept, donnant sur un choeur polygonal. Ainsi, la voûte de Saint-Othmar de Broc adopte la belle courbure du plein cintre renonçant à l'ogive comme pour mieux figurer la voûte céleste conformément à la symbolique sacrée de l'architecture romane: une réduction du cosmos!
En revanche, l'orientation de l'ancienne église du prieuré, démolie en 1880, sauf le clocher, respectait mieux l'axe magique ouest-est que ne le fait la nouvelle église, orientée sud-ouest/nord-est. La nouvelle église ne reflète plus qu'imparfaitement cette géographie sacrée. Tout de même, l'allure générale du clocher du prieuré a été conservée dans l'édifice de 1877: le plan hexagonal (ou octogonal) de la flèche, forme intermédiaire entre le carré de la tour, symbole des valeurs terrestres, et le cercle de la pointe, forme de la perfection rejoignant le ciel. Si le clocher n'est pas démoli, c'est parce qu'il est alors jugé assez "fort et solide", contrairement à l'église "vétuste": il sera "un souvenir de la foi de nos ancêtres", estime-t-on à la cure. On veut conserver aussi la sacristie toute proche qui doit servir à abriter les archives communales, précise le Conseil paroissial dans une lettre à l'Evêché. Voilà sans doute pourquoi, en 1890, les archives de la commune n'ont pas grésillé dans l'incendie, hormis quelques registres d'usage courant déposés au bureau communal.
Epargnée par l'incendie de 1890, l'église du village subira deux restaurations importantes,en 1935 et en 1977, année du centenaire.
Sur le site historique particulier du prieuré, on trouve encore la Maison-Forte et le pont (dont on parle sur une autre page). On sait qu'il y avait aussi une cure et plusieurs petits bâtiments pour la vie des Bénédictins. Mais ces infrastructures de moindres importances ont très vite été démolies et remplacées (par exemple par une écurie pour le château). Les trois bâtiments principaux sont toujours visibles (la tour de l'église, le château et le pont), mais le reste du site a beaucoup changé au fil du temps.
Durant le XXe siècle et encore aujourd'hui, cet endroit attire quelques curieux notamment des férus d'histoire ou des artistes.
(Broc, Village de Gruyère, Pierre-Philippe Bugnard)
